L'ami piano Thomas Pitiot A deux cents mètre de chez moi, y a un appart' que je connais bien, J'y ai passé vingt ans de ma vie, à chanter tous mes lendemains. L'oisillon a quitté son nid pour s'envoler un peu plus haut Mais revient souvent le midi picorer dans l'ancien frigo. L'oisillon a quitté son nid en emportant quelques photos En chantant au clair de la lune, au revoir mon ami piano. J'ai cherché pour me consoler des cordes pincées, des balafons, En essayant de conjuguer darboukas et accordéons. Je me baladais mains dans les poches dans les orphelinats de piano, Les Steinway me trouvaient trop moche, je trouvais trop cher les Gaveau. Et puis on me l'a présenté, gêné comme à l'adolescence, Honteux d'être désaccordé, intimidé par ma présence. C'était un piano ordinaire qui menait sa petite existence. On ne lui insufflait plus d'air, il soupirait en longs silences. Deux déménageurs anonymes encordés à mon HLM Livrèrent la bête à domicile, je vous paye au black monsieur le père Noël. J'ai même sorti des vieilles partoches de Bartok et de Stravinski, Mes doigts ont vieilli, c'est trop moche, je m'essaie aux Gymnopédies. Fallait me voir quand j'étais mioche, j'pianissimmais en érudit, J'mezzofortais comme un gavroche puis j'ai découvert... Platini. L'amie guitare est en colère, me joue l'air de la jalousie Elle pleure en regardant la mer et ce paquebot qui la défie. Si j'avais quatre mains mes amours, elle aurait pu sécher ses larmes Le piano aurait dit bonjours et j'aurais joué en polygame. Le voisin du dessous est mélomane, il aime la musique à ses heures Mais je martèle ses cordes sensibles quand je joue après 22 heures. Un jour je lui dédicacerais mon requiem des HLM. Quel bonheur la promiscuité