Le Passous, Cotentin Je t'écris de janvier La marée, bonne poire A fini la vaisselle Laissant nos habits nus Sur le bord de l'évier Et quelques grains de sel Le ciel est reparti En balançant l'éponge Manger des ports anglais Aucune heure, aucune eau Aucun pékin, ici Juste le temps qui ronge Le front du casino Juste un bec transperçant Le crâne d'un tourteau Croché comme une main Sous un nid d'algues brunes Juste l'eau, juste un jour Et l'air, de son couteau Sculptant le cul des dunes J'allume un feu de bois Sous des étoiles naines Je m'accroche debout Où dormir me fatigue Sans maître, sans collier Tout un chien se promène À cheval sur la digue Janvier, le Cotentin Le passé guette un train Qui n'est jamais inscrit Aux cases des départs Quand il arrive à quai Rongé par les embruns La brume s'en empare Les wagons ont le ventre Obèse des baleines Et la loco devant Filtre dans ses fanons Nos yeux brûlés d'adieux Nos poumons, nos haleines Nos âmes de plancton La nuit rampe, elle au moins Respecte son horaire Au loin les chalutiers Font un bruit de ferraille Ça broie, ça crie, ça rue L'amer est vieux, la mer N'entretient plus ses rails Le passé guette un train Que le sable barbelle Un marin dans sa pipe Allume son nuage Et le soir, le chenal rouille On entend de l'hôtel Grincer les aiguillages Cotentin, Le Passous Je t'écris de janvier Sous mon pied, le vent lèche Un coquillage cru Il baigne les cheveux fous De ses lévriers Il flotte dans les rues Guernesey, l'horizon A ses lèvres humides Sur le sable boueux Un gosse écrit des tags On entend dans la rue Battre les pas liquides Du troupeau vert des vagues Je pêche à pleines mains Des escargots marins Blottis sous la jetée Chaude comme un frigo J'esgourde la marée Et son museau de train Éventre les cargos C'est du flux, du relu Des poumons à tribord Des ressacs à dix sacs Des gouttes d'eau noyées C'est un rafiot d'enfance Et sa fête de mort Sur un drapeau mouillé Je t'écris de janvier Sous quelques flammes d'herbe En son étroit corset La Manche tient ses reins La tempête peut bien Lui tordre les vertèbres La Lune les retient Ça sent le rocher froid Le bois mouillé, j'écris Sur du papier glacé Les mots d'absence avec Le fleuriste est fermé La mer vend à bas prix Des bouquets de varech Je t'écris de janvier Cotentin, Le Passous Mes cheveux sont troués Mon coeur fait une escale On est premier de l'an Jour Perrier, un poil saoul La mer est verticale