Fin des années '80, combien de billets de train aller-retour Saint-Quentin / La Verrière / Elancourt j'ai dû raquer A en craquer les vieilles poches de mon survêt' Challenger vert foncé Pour un concert, une galère avant la levée du jour? Au passage, autant de voyages sans titre comme sur mes premiers raps Mais tellement d'insultes gratuites sur ces contrôleurs Qui investissent le dernier wagon à la gare de Trappes Ma ville, c'est un peu comme Tchernobyl Même les chats dehors se font chier à mort Aujourd'hui, visiblement rien ne change Si ce n'est que l'ennui qui augmente comme le prix de la Carte Orange Le cafard m'empoigne à en parler au passé Ce serait te cracher à la figure et me considérer soigné cousin Heureux d'être Parisien, même si ça craint sans que ça crame Faut-il qu'un frère se fasse tuer pour s'éprendre d'un moment de solidarité? Je n'ai pas grandi au milieu les gravats, bien au contraire Mais dans une charmante petite banlieue plutôt prisée pour ses grands espaces verts Mais ça, c'était hier, au cœur des entassements de pierre L'hiver toujours sans partenaire L'été le trousseau de clés autour du cou Les restrictions de ma grande sœur avant le couvre-feu de 22 heures Si j'ai fait le deuil de mon enfance, au seuil d'une tendre adolescence Avec une feuille et des idées noires comme exutoire Non pas que j'ai du mal à y croire, bordel Mais cette putain de ville nouvelle s'est crue immortelle A chacun ses raisons d'enterrer de grandes illusions trop vite Derrière ces plans de ravalement de constructions hypocrites D'hypothétiques changements d'air nous fixent leur propre limite: S'extirper du piège feutré des habitudes "Qu'après d'importantes années d'études" Réagiront des trentenaires un peu réactionnaires Lesquels se heurtent au répondant sans faille des éventuels resquilleurs Qui veulent d'abord de la maille avant de trouver du travail Le ciel commence à se couvrir, à l'instar d'une marée furieuse Dès que les subventions se retirent, la rue devient marécageuse Et la répression aussi cruelle que la récession L'actuel maire d'Elancourt n'est qu'une sale pédale Qui ne peut se déplacer sans sa police municipale Sur ces plages de gravier, à la lisière de ces ex-quartiers Vivants et populaires, à 20 000 lieues de la mer A 20 000 lieues de la mer Loin des vérités toutes faites sur des tertres trop gros Des graines de fleurs jetées sur des hectares de pipeau De supers massifs de chiendent mis en valeur Un visage sombre d'une mégalopole miniature (une erreur) Une nécropole pour des crimes indécents Mais aussi pour des espoirs et des joies de fer-blanc Le pire n'existe que si le meilleur recule Des antagonismes qui se confondent et s'articulent Loin des polars noirs, des contes noirs qui tapissent les rêves Une ville paisible qui suinte le mièvre Un portrait éhonté, une caricature dans les gazettes du quartier "Vivre bien" qu'ils disent avec un sourire large et niais Loin, trop loin de toutes mes fausses attentes Les terrains en friche ont bien changé, ont-ils adouci les pentes? De quoi cacher des regrets simples De petits malheurs comme autant de bleus de travail sur un cintre De la chaleur des terres arides au froid d'une cité Une ville où le voisin t'épie à travers les volets Loin des embruns, de mes plages, de ma terre De ma ville blanche, loin, à 20 000 lieues de la mer De '79 à 2002 23 années de convivialité de façade qui s'écroulent à nos pieds De bien-être sous le joug de l'ironie D'une certaine tranquillité d'esprit que j'oublie ou plutôt que je renie Depuis que le spectre du chômage justifie une volonté délibérée de flicage C'est la mer à boire dans cette putain de ville-dortoir Mais bon, on survit En hommage à ces disparitions soudaines qui nous traumatiseront à vie