Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assis sur ce banc Une bonne heure ou 20 minutes, le spectacle est absorbant J'observe les gens qui passent, moi je me sens à peine là J'écoute le vent qui trace dans son murmure a capella Rester assis sur un banc c'est tout un savoir faire C'est maitriser les mouvements qu'il faut savoir taire C'est assumer et afficher son pouvoir de paresse Le sentir comme une caresse, chasser les crampes qui apparaissent Moi j'ai de bonnes capacités dans ma force d'inertie Faut savoir en profiter et pouvoir lui dire merci Être assis sur un banc, au beau milieu du décors C'est être au coeur de la vie mais c'est surtout être en dehors C'est de cette cachette ouverte que j'observe mon petit monde Laissant agir à découvert la nonchalance qui m'inonde Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assis sur ce banc Je regarde les gens pressés et puis ceux qui font semblant Face à cette scène de théâtre, je ne peux plus m'arreter Je savoure l'espèce humaine dans son immense variété J'aime les vieux, les gros, les moches, les grandes gueules et les discrets Les vénères, les beaux gosses, les précis et les distraits Un enfant apparait au loin agitant un petit baton En plein combat féroce contre une bonne dizaine de dragons Il se moque bien des regards dans son délire d'innocence Et disparait à toute allure, presque aussi vite que l'enfance Une belle femme entre à présent dans mon champs de vision De grands yeux clairs, un regard sûr, elle semble sourire sans raison Je la regarde quand elle s'approche, elle marche avec délicatesse Je la regarde quand elle s'éloigne pour admirer ses jolies tresses Une autre revient des courses, elle est chargée comme une mule Le visage fermé, le regard presque aussi triste que son pull Elle porte tout le poids de la routine dans chacun de ses mouvements A moins que ce ne soit le poids des sacs, j'extrapole un peu surement Mais regarder les gens passer, ce n'est les connaitre que 20 secondes Il faut alors imaginer toute une histoire qui corresponde Comme ces deux jeunes qui parlent en slave, surement des espions russes Ou peut-être juste deux étudiants en échange Erasmus Alors j'arrête une minute de pousser mon imagination Pour admirer le dernier style de la nouvelle génération Des jeans slim et des coiffures comme dans les clips, tard le soir J'ai un peu de mal à comprendre, je crois que je suis en train de devenir ringard Il va falloir que je me releve, il va être l'heure de se retirer Je jette un dernier regard panoramique pour m'inspirer Y'a un vieux qui regarde devant et son petit-fils qui regarde derrière C'est peut-être un symbole d'un monde qui marche à l'envers Je reprend ma route et mes projets, c'est qu'il y a du pain sur la planche On a des années à construire, des ambitions sur chaque branche Mais chaque fois qu'il y en aura marre de se vouloir trop exigeant Il nous restera ça: Un banc pour regarder les gens