Encore un soir où la lune pleine éclairait Nos visages blafards, au fin fond de la forêt Nos treillis, nos casquettes paramilitaires Volés dans la penderie du grand-père à Robert Ces derniers temps, ça s'est décomplexé Avec les camarades, on se sent plus libres d'exprimer Toute la rancoeur de nos coeurs mal aimés Enferrés, assiégés, les vapeurs de l'étranger Tous les mardis, on part à la chasse C'est surtout l'occasion de se mettre une bonne race Entre amis, en parlant de nos femmes qu'on déteste Et qui renient le héros qui parle dans nos têtes Celui qu'on aurait pu être si La vie nous avait fait naître un peu plus loin d'ici Sauf qu'ici, c'est chez nous, et qu'à défaut d'y bien vivre On va pas en plus se laisser envahir En collectif, on vient réclamer notre dû Un groupe de vauriens se sent plus fort qu'un simple résidu Au début, on se contentait des lapins Mais gros Lulu a voulu pimenter notre quotidien Nul ne connaissait le nom de l'homme à qui l'on a dit "Si tu veux vivre, cours, cours et cours vite, l'ami" On sait juste qu'il avait pas l'air très clair de peau Et ça nous suffisait pour le confondre avec les animaux D'autant qu'on était déjà vraiment bien cuits Au Ricard pur, à la gnôle distillée par bibi Dans le pick-up, l'un de nous gueulait dans la CB L'autre tirait en l'air, comme il avait vu faire dans un movie Les phares blancs, aveuglants, pourchassaient l'animal Qui courait en beuglant comme un putois, dans le noir total Derrière lui, le bruit et la terreur De dix mille ans d'histoire et de connards remplis de fureur