Les rêves ça pousse sous la pluie quand la dernière larme fait déborder la rigole Et l'flot t'emporte loin, très vite Et tu n'sens plus l'froid, l'eau qui t'mouille et tu respires dans la vague en déclarant aux poissons "Plutôt crever que de crever" "Plutôt mourir que de n'pas vivre" Alors, ils t'écoutent sachant bien qu'tu n'es pas d'ici Et que comme un étranger rentrant chez lui, tu vas partir Tu n'es pas d'ce monde Ta femme jalouse possessive et redoutable A laissé sur toi son parfum tenace et visqueux Madame la mort ne supporte pas d'incartades, tout juste elle t'donne du mou À faire le fanfaron déchiré sur un comptoir à hurler, hurler Pour un panier d'crabes, une tribu d'morues et un banc d'maquereaux En brandissant ton poing rageur "Moi ma femme, c'est pas elle qui porte la culotte" Alors ils rigolent bien ou ils s'émeuvent du ridicule ou d'la naïveté Et les conversations reprennent chacun dans sa bulle d'eau propre Les poissons s'en branlent, ils n'viendront pas chez toi vérifier A-t-on déjà vu un poisson sortir de l'eau et visiter la réalité? ♪ Y a pourtant tant d'choses à dire Y a tant d'choses à faire Tant d'barreaux à scier avec les dents qui y restent Y a tant d'morts à vivre en toi, cimetière ambulant de souvenirs De chair et de sang D'espoirs abattus en plein vol, tant de haine qui n'se tait que pour reprendre son souffle Tant d'amour jamais si vrai qu'au moment où il fait mal Tant de choses à dire Y a tant d'chemin à parcourir pour n'oublier qu'les autres qu'on traverse et qu'on transperce Pour s'retrouver tout rouge, la bouche dégoulinante d'une valve qu'on mâche encore Y a tant d'vérités qui n'servent qu'à mentir, y a tant d'merde pour chaque jour sortir de mon cul Y a tout c'qu'on mange, y a tout c'qu'on tue Y a tant d'amis d'aujourd'hui qui déversent des mots qui flattent mon ego Comme la croupe d'un cheval de labour et qui plongent dans l'sillon définitivement impur ♪ Y a tant d'feux-follets, des femmes étincelantes qui percent ma ténèbre l'espace d'un instant Juste un instant, t'es pas rendu mon gars, y a tant d'choses en toi Alors la marée s'en va et les poissons avec elle Alors planté dans la vase tu sais qu'elle t'attend Et qu'à mesure que l'eau descend Sous ta peau, tu la sens qui récupère son bien, tu lui appartiens Alors elle te ramène chez toi titubant et elle te borde dans ton lit froid Et elle gèlera tes rêves pour que tu n't'y noies pas, pas encore Et tu sens ton corps flétrir et racornir sous l'gel à mesure qu'à l'intérieur gonfle ton cœur Et encore une nuit à attendre de savoir si tu tiendras les pressions À s'demander pourquoi ne pas laisser béton, cette histoire n'est plus la tienne Il est mort depuis longtemps le beau jeune homme au talent Il ne reste que sa rage qui demain te tiendra debout Comme une momie raidie par le froid avec juste la force de pleurer sous cette putain d'pluie Où naissent les putains d'rêves