Ma mère, je me dois de vous faire ce poème Un poème sans loi, mais un poème quand même Il y a dans nos cercles, ceux de notre lignée De noblesse suprême, et divine clarté, Une morale froide, dont je n'suis pas l'emblème... Ma mère, je suis né de vous, de vous au monde Et vous le savez bien qu'en ma première seconde La première rencontre avec l'air des bois Et avec la lumière qui glissait sur le drap Rien n'était écrit sur moi, sinon que j'étais roi A mille lieues à la ronde... Selon votre étiquette, il n'y a rien de tel Que dessiner la vie sur un joli modèle Je m'y suis essayé, mais n'ai jamais bien peint J'ai torturé le coeur qui criait sous mon sein Pour lui faire changer d'air, je m'y suis abimé les mains Car il n'y a rien à faire... J'aime le petit page, il s'appelle François Il a presque mon âge, il est beau comme un roi Le roi de ma nature, le roi de mes saisons Le coeur a ses raisons, elles sont bonnes, je vous jure Et je vais le chérir, et que peut-on y faire? Rien, ma mère... Maman, c'est maintenant qu'il faut que vous m'aimiez Et je vous en supplie du fond de ma tristesse De n'être pas celui qui prendra la princesse Dont vous avez rêvé, voyez ma destinée Comme une autre peinture A mettre sur les murs du palais... Mon père, qui lisez, par-dessus cette épaule Qui pleurez, j'imagine, tout comme vous tremblez Sachez que vous avez bien tenu votre rôle Et fait de moi un homme, épris de liberté Passé par la masure, j'y couperai du bois, tout l'été...