Je l'ai vue J'en suis tombé amoureux Et voulant sortir le grand jeu Je l'invite à diner chez moi Je prépare un festin de roi Elle s'installe et là C'est le drame J'avais pas prévu ça Elle est vegan Elle me compte la voix nouée de sanglots Tous les malheurs des animaux Je souris en hochant la tête Mais je pense à la tartiflette Qui chauffe dans l'four d'puis tout à l'heure Je brûle un encens pour masquer l'odeur Elle me dit que c'est pire que d'l'esclavage Ces abattoirs, ces élevages Elle voudrait faire arrêter ça Et moi j'ai l'air con avec mon fromage Mes rillettes et mon attelage De charcuterie et de foie gras J'ai compris que si j'voulais gagner son cœur Fallait que je dise adieu au Leerdammer Adieu roti, merguez Adieu paupiettes Bonjour le délice de courgettes Adieu gruyère, munster, gouda Bienvenue au steak de soja J'ai quand même un pincement au cœur Quand j'pense en secret à un cheeseburger La mort dans l'âme je suis allé hier Dire adieu à ma charcutière J'vérifie la composition Du moindre bocal de cornichons Comme j'mange plus d'œufs, ni d'lait, ni d'beurre C'est vrai que je m'emmerde un peu à la chandeleur Je tiens bon mais c'est pire que d'l'esclavage Et quand j'vois un plateau d'fromage Je veux lui dire "emmène-moi" La nuit je fais des rêves de carnage Où j'mange tout seul comme un sauvage Une vache entière avec les doigts Et puis je me réveille tout en sueur Elle a fait le p'tit dej' Fenouil vapeur Elle est radicale et faut qu'je respecte La moindre de nos amis les bêtes L'été en terrasse, même s'ils me piquent J'peux pas écraser les moustiques Je galère pour faire un tableur Elle a libéré la souris de mon ordinateur Et moi je suis tombé en pâturage À force de manger du fourrage Quasiment à tous les repas J'lui dis comme on a plus l'droit aux laitages J'peux quand même aller à l'étage Mais elle passe et ne rigole pas Mais qu'importe les privations, je serais heureux Tant qu'j'aurai l'droit de la bouffer des yeux