J'ai eu tort, je suis revenu Dans cette ville loin perdue Ou j'avais passé mon enfance J'ai eu tort, j'ai voulu revoir Le coteau ou glissait le soir Bleus et gris, ombres de silence Et je retrouvais comme avant Longtemps après Le coteau, l'arbre se dressant Comme au passé J'ai marché, les tempes brûlantes Croyant étouffer sous mes pas Les voix du passé qui nous hantent Et reviennent sonner le glas Et je me suis couché sous l'arbre Et c'étaient les mêmes odeurs Et j'ai laissé couler mes pleurs Mes pleurs J'ai mis mon dos nu à l'écorce L'arbre m'a redonné des forces Tout comme au temps de mon enfance Et longtemps j'ai fermé les yeux Je crois que j'ai prié un peu Je retrouvais mon innocence Avant que le soir ne se pose J'ai voulu voir La maison fleurie sous les roses J'ai voulu voir Le jardin où nos cris d'enfants Jaillissaient comme source claire Jean-claude, et Régine, et puis Jean Tout redevenait comme hier Le parfum lourd des sauges rouges Les dahlias fauves dans l'allée Le puit, tout, j'ai tout retrouvé Hélas La guerre nous avait jeté là D'autres furent moins heureux, je crois Au temps joli de leur enfance La guerre nous avait jetés là Nous vivions comme hors-la-loi Et j'aimais cela, quand j'y pense Ou mes printemps, ou mes soleils Ou mes folles années perdues Ou mes quinze ans, ou mes merveilles Que j'ai mal d'être revenu Ou les noix fraîches de septembre Et l'odeur des mûres écrasées C'est fou, tout, j'ai tout retrouvé Hélas Il ne faut jamais revenir Aux temps cachés des souvenirs Du temps béni de son enfance Car parmi tous les souvenirs Ceux de l'enfance sont les pires Ceux de l'enfance nous déchirent Oh ma très chérie, oh ma mère Où êtes-vous donc aujourd'hui? Vous dormez au chaud de la terre Et moi je suis venu ici Pour y retrouver votre rire Vos colères et votre jeunesse Mais je suis seule avec ma détresse Hélas Pourquoi suis-je donc revenue Et seule au détour de ces rues? J'ai froid, j'ai peur, le soir se penche Pourquoi suis-je venu ici Où mon passé me crucifie? Elle dort à jamais, mon enfance