A l'époque où la mer à boire Était à boire sans payer J'ai tout essayé pour le croire Et j'ai tout bu sans essayer A l'âge des pommes pas mûres On est prêt à n'importe quoi Mais c'est un âge qui ne dure Pas plus que le rêve ou la foi La mer à boire est un exploit Qui n'a jamais grande importance Beaucoup l'ont bue bien avant moi Et bien plus vite qu'on le pense Moi-même, je l'ai bue souvent Sans soif aucune, je vous jure Mais pour remonter le courant Ou faire ma bouche plus pure J'ai visité la mer à boire Le paysage en est exquis On a presque peine à le croire Je me crus en pays conquis Les visages de ma jeunesse Y folâtraient allègrement J'y reconnus quelques faiblesses Et la plupart de mes tourments C'est une mer étrange et belle A vrai dire, et tous les serments Que me prêtèrent quelques belles Y trouvèrent leur dénouement Car tout finit, sur cette Terre Un matin, par se dénouer Le peu qu'il reste de mystère Est trop facile à déjouer La mer à boire est d'un autre âge On sait qu'on n'y reviendra plus Nous avons perdu les visages Enfouis au paradis perdu Si vite s'éteint la mémoire Et les secrets de nos vingt ans Sont noyés dans la mer à boire Comment serais-je encore content? A l'époque où la mer à boire Était à boire sans payer J'ai tout essayé pour le croire Et j'ai tout bu sans essayer A l'âge des pommes pas mûres On est prêt à n'importe quoi Mais c'est un âge qui ne dure Pas plus que le rêve ou la foi Elle vit, la mer à boire Tout au fond de la mémoire De tempête en tempête Elle remonte à la tête Elle vit, la mer à boire