Ma grand-mère Olympe Michèle Bernard Son homme n'était pas revenu de la guerre Cinq enfants de lui, pour s'en souvenir Le voilà tracé, le bel avenir Un petit chemin qui sent la banlieue, la misère Elle disait "Je gagne mon paradis" Jamais de repos, jamais de dimanche Ma grand-mère Olympe, les mains sur les hanches Plantée derrière le comptoir de son épicerie L'Olympe, c'est un paradis plein de dieux pas très catholiques Dis mémé, qu'est-ce que tu en dis, depuis que t'as plié boutique Ce bon Dieu que tu adorais, Tient-il ses promesses? Comment c'est le bonheur, le vrai? Vaut-il une messe? Les costauds en bleu à l'heure de la pause Sifflaient des canons et les p'tits enfants L'école finie, se plantaient devant Les grands bocaux de bonbons qui trônaient en vitrine Claquait le rideau et dans un soupir S'asseyait le soir auprès du fourneau Là, elle puisait dans de pieux journaux Une sainte peur des hommes et de la politique L'Olympe, c'est un paradis plein de dieux pas très catholiques Dis mémé, qu'est-ce que tu en dis, depuis que t'as plié boutique Dans les bras d'un ange déchu D'une âme en détresse Rattrapes-tu le temps perdu Ta vie sans caresses? Au bord de la cour pleine d'hirondelles Ma grand-mère Olympe tricotait souvent Recomptant ses mailles et ses p'tits enfants Et n'oubliait pas un chien perdu dans ses prières À chacun sa croix, son lot sur la Terre Soyez bons enfants et bons ouvriers Derrière ses lunettes à double foyer Tout s'estompait peu à peu, souvenirs et colères L'Olympe, c'est un paradis plein de dieux pas très catholiques Dis mémé, qu'est-ce que tu en dis, depuis que t'as plié boutique Tes créanciers, tes proprios Sont-ils, comme j'espère, Dans les flammes avec les salauds Qui signent les guerres? Si lourdes les jambes, en fin de journée Et sur les carreaux, des pas minuscules Si lourde la tête où tout se bouscule Les prénoms d'enfants tout au long des calendriers Mais grand-mère Olympe aimait bien chanter De sa petite voix forgée aux cantiques Des chants revanchards et patriotiques Avec "Le temps des cerises" et "Le violon brisé" On a fermé l'épicerie Et des boutiques grand modèle Écrasent les gens et les prix Elles sont parties, tes hirondelles Au grand carrefour des nostalgies J' te revois toute droite Tu nous tricotes à l'infini Une vie moins étroite