Enfant, j'inventais des espaces En dessinant des monts violets Des arbres bleus, des vaches grasses Et des chemins qui serpentaient Mais ma campagne, ma nature Quand je me prends à y songer Est un pauvre coin de verdure Un maigre jardin potager Ce lopin, ce bout de clairière C'est tout ce que j'ai pour terroir Puisque ma famille ouvrière Prend souche sur du goudron noir Ce minuscule coin champêtre Pris dans un pâté de maisons On l'aperçoit de ma fenêtre Fermé dans ses murs en béton Là ne planent point de légendes Où l'âme puise et s'aguerrit Il donne ce qu'on lui demande Quatre tomates, trois radis ♪ Ce petit morceau de culture Ce fut ma part de merveilleux Tout le reste est littérature On triche quand on devient vieux Je n'suis pas né en Provence En Savoie, ni en Beaujolais Mon sang a l'odeur de l'essence Et mon pays est gris et laid J'ai grandi parmi les usines Au deuxième chez mes parents Une chambre et une cuisine D'où l'on voit ce petit arpent Ce clos de rêves et de salades C'est mon paradis défendu Était à un voisin maussade Je n'y suis jamais descendu