La brume blanche engloutit les collines peu à peu Et prend possession de l'épaisse et sombre sylve, Les chênes, sentinelles innombrables, gardent secrètement cette vallée Où avec fracas le torrent des eaux noires déverse sa haine. Après de mauvaises charrières escarpées, En une place que nul trébuchet ne peut atteindre, Apparaît la tour maîtresse fièrement dressée sur les rocs. L'hiver les vents s'y déchaînent et soufflent leur amertume, Et même les charognards n'osent Toucher aux cadavres pendus aux créneaux. Sur ce rocher d'une inexpugnable virginité, Écrin de souffrance bâti par les revenants, Rôdaillent les esprits maudits, Qui envoûtèrent ces murs depuis leur achèvement... Par delà les tureaux s'ébruitent les légendes séculaires, Et superstitions contées par les disciples de l'imposteur. Ne reste aujourd'hui que la puissance de ces pierres Sur cet éperon isolé où j'ai tant crié mes douleurs. Du haut du donjon, par dessus ces hourds, J'ai revu les souvenanges de batailles Qui s'ensauvent par les brèches des siècles. Puis dans une cave obscure, Tel un temple noir dédié au ghiâbe, Tant de mes rêveries furent réduites en poussières. Et par d'étroits couloirs et d'inaccessibles souterrains, J'ai enfin pénétré les mystères d'un majestueux repaire...