C'est près d'une gouttière à matous Dans une mansarde de n'importe où A Montparnasse Que j'suis venue au monde sur les toits Et que j'ai pour la première fois Ouvert les chasses Mes pères et mères déchards comme tout Qui de plus n'aimaient pas beaucoup Sucer d'la glace A l'heure des repas dans notre garno M'laissaient souvent sans un mélo Le bec ouvert Comme un moineau! A l'âge où tous les autres marmots A l'école vont s'meubler l' cerveau De bonne grammaire Avec un tas d' mauvais loupiots Dans les coins on allait jouer au Père et à la mère Bien sûr ces petit jeux innocents Ne développent pas précisément Les bonnes manières A quinze ans, droite sur mes ergots J'allumais tous les gigolos L'il effronté Comme un moineau! L'premier qu'a voulu ma vertu Pour me posséder n'a pas eu A faire de siège Il n'a eu qu'à m'ouvrir les bras Et mon amour est tombé là Comme dans un piège Si j'avais l' esprit perverti Mon cur, au contraire, était lui Pur comme la neige Nous éveillant sous les bécots Nous allions à tous les échos Chanter l'amour Comme deux moineaux! Il me plaqua, a-t-il eu tort? Je me suis consolée d'un sort Qui est le nôtre Avec un p'tit gars dessalé, Mais qui, pour ne pas travailler, M'vendit à d'autres On s'accoutume à ne plus voir La poussière grise du trottoir Où l'on se vautre Chaque soir sur l'pavé parigot On cherche son pain dans le ruisseau Le cur joyeux Comme des moineaux! L'hiver viendra et mon seul bien Ce pauvre corps qui, je l'sens bien Déjà se lasse Tombera sur le pavé brutal J'passerai sur un lit d' hôpital Un soir d'angoisse Pas plus mauvaise que beaucoup J'aurais préféré malgré tout, Au lieu d'un poisse Un homme qui m'eût aimée d'amour Pour avec lui finir mes jours Dans un nid chaud Comme un moineau!