Te voila seule petite graine Ici le vent t'a déposé Dans ce champ jadis désert Où le temps semble arrêté Jaillis de la terre Fleuris ta puissance Monte vers le ciel Une longue vie s'offre à toi Elle promet des moments joyeux Un jour tu ouvriras tes bras A deux p'tits oiseaux amoureux Et ils fonderont leur famille Dans ta chevelure de printemps Puis un jour de haut de ta cime Tu vivras l'envol d'un enfant T'en verras passer des printemps Qui sculpteront ton corps de bois Comme cette fillette de quinze ans Qui un jour d'un couteau grava Le prénom d'un certain Jérôme Dans un cœur à côté du sien Voilà l'amour et ses arômes A jamais tatoués sur tes reins L'hiver suivant ce fut la guerre Et un sergent est mort de froid Tu fus le seul témoin oculaire A la mort givrée du soldat Ta terre est son tombeau Il s'oublie près de toi Qui monte vers le ciel Les jours s'écoulent les années passent Tu côtoies tes nouveaux voisins Ceux de la maison qui a pris la place Au vieux merisier du terrain Ils fixent alors sur l'un de tes bras Deux grosses cordes une planche en bois Te voilà confident du soir D'un p'tit gars sur sa balançoire T'es pas l'seul copain du p'tit gars Tu découvres ses nouveaux amis Ils s'prennent tous pour des Iroquois Dans leur cabane du mercredi Offre-leur des flèches Et des beaux arcs en bois Pourvu qu'ils visent vers le ciel Faut pas prendre la Terre pour une conne Fâchée de l'arrogance de l'homme Elle envoie ses vents de colère Démembrer ton squelette d'hiver Qui était pour rien bel arbre Mais dans l'humain sommeille une bête Qui te saigne à grand coup de sabre Direction une boîte d'allumettes Si aujourd'hui je te raconte C'est que je te dois une fière chandelle Pour toutes mes histoires qui s'affrontent Sur ta peau coupée en lamelle Tu as semé tes graines Tu as fleuri ma conscience On se retrouvera au ciel