Voici c' que m'a raconté Pierre-Albert Espénel Quarante-trois ans aux fraises et pas toutes ses dents Un beau soir de l'automne, assis sur un banc Devant sa maison de pierre dans un village désert Les brebis font des agneaux, les chèvres des chevreaux Moi, je voudrais bien aussi faire mon propre troupeau Me voilà d' retour maintenant, d' retour après vingt ans Mes deux valises en carton remplies de solitude Pour celle que j'attends un jour, j'ai travaillé des jours À reconstruire une maison avec tout c' qui faut dedans Un chauffage, de l'eau chaude, un frigo, une radio J'y vais une fois de temps en temps, je m'assieds et j'attends En même temps qu' je rebâtissais, j'ai écrit aux journaux Au Chasseur, pour être précis, avec ma photo Un jour, une m'a répondu que ça l'intéressait Elle est venue d' sa Bretagne jusque dans nos montagnes C'est Frédéric, l'épicier, qui l'a montée d' la vallée Dans sa camionnette rouillée, le jour de sa tournée Quand j'ai été la chercher, on s'est bien regardés On n'a pas su quoi se dire. Elle aurait pas dû venir J' lui ai montré la maison, les parents, l'horizon Et puis on a essayé un peu de se causer Je me souviens qu'elle m'a dit qu'on était bien gentils Mais, elle savait pas pourquoi, qu'elle ne resterait pas Pour celle que j'attends un jour, j'ai récrit aux journaux En y joignant ma photo et tout ce qu'il leur faut Un jour, une me répondra et ça l'intéressera Un jour, une me répondra et même elle restera Voilà c' que m'a raconté Pierre-Albert Espénel Quarante-trois ans aux fraises et pas toutes ses dents Un beau soir de l'automne assis sur un banc Devant sa maison de pierre dans un village désert