Je veux mourir en me terrant Loin des mamies de confiture Vieillir avec des chiens errants Dans quelque immonde coin de masure Très loin des miroirs imbéciles Écouter craquer mes vieux os Et ma carcasse de fossile Danser de pauvres vieux tangos Rouler ma croupe de toupie Mes rotules et mes guibolles Pour jacasser avec les pies Sur la place du Capitole Mais quelques fois m'embijouter Faire sonner le vieux métal Pour un Goya discrédité Qui voudra peindre son "¿ Que tal?" Je veux vieillir en glapissant Quelque chanson patriotique Debout, martiale, sur les bancs Avec les pigeons pour public Avoir pour mains deux vieilles choses Crochetées d'ongles terrifiants Pour éventrer les ballons roses Et faire pleurer les petits enfants Perdre la tête et m'oublier Raconter des je ne sais trop quoi Des histoires de rats éborgnés En regardant pousser mes doigts Je veux vieillir en séduisant Des maîtres-nageurs immatures Blottir mon corps tout grelottant Au fin-fond d'un lit d'aventure Et puis m'emberlificoter Dans une marée de jupons Glousser des rires effrités L'œil en dérive, le verbe abscons Baiser des lèvres achetées Pour faire croire à mon vieux cœur Qu'on peut en toute impunité Baver sur le sens des valeurs Je veux vieillir en chevrotant D'obscènes "Déshabillez-moi" Vieillir en mots tout frémissants Et qui vous glaceront d'effroi Vieillir, je veux bien, mais en fuyant Cette doucereuse légende De thym, de pendule d'argent Et puis de propre et de lavande Flamber l'argent de ma retraite Jouer beaucoup sur un "impair" Pour me réjouir de la tête Que vous ferez chez le notaire Je veux vieillir en minaudant Coquette, même si ça fait mal Courir le monde en me traînant Plutôt que d'être à l'hôpital Je veux vieillir en ouragan Avant que tout ne soit foutu Vieillir en termes trépidants Avant que de n'exister plus Parce que quand l'heure aura sonné De vous habiller de grand deuil Dites-vous bien, mes tant aimés, Que je serai pas fière, dans mon cercueil