Des escaliers sans fin Et des voisins qui crient Une bête mansarde Minuscule et navrante Sur un triste faubourg Pour le prix d'une rente Mais j'avais une adresse Et j'étais à Paris J'ai gardé de ce temps Le goût des ascenseurs Des foules énervées Des musiques à moteur Du métro aérien Et des sens interdit Quand chaque rue semblait La rue de Paradis Ce n'est pas rien de prendre Une adresse à Paris Voilà tant de promesses Dans une petite clé Pour ambition qu'on couche Dans le lit des meublés Et tant de concessions A la nouvelle patrie On sait qu'on va paumer Cet accent de péquenot Jeter un peu de soi Comme miettes aux moineaux Et qu'on va oublier Nos serments de province Sous une porte cochère De la rue de Belsunce J'ai su quelques adresses De l'amour à Paris De ces jolies adresses Où l'on part au matin Heureux comme le soleil Se levant à Pantin Sur l'océan figé Des vagues de toits gris Qu'importe si ça ne dure Que le temps des lilas J'ai bien l'âge de dire Montmartre en ce temps là Et prévenir qui s'endort Rue de la fidélité Que le passage du désir Est tout juste à côté Maintenant je suis chez moi De Mouffetard aux Abbesses Heureuse locataire Sans bail ni préavis Quand Paris fait tourner L'usine à nostalgie C'est Paris tout entier Qui devient mon adresse Un chemin buissonier Par la rue des écoles L'été mélancolique Du square des Batignolles Devant l'hôtel de ville Le baiser de Doisneau Et Jean Gabin qui gueule Dans la rue Poliveau De boulevards en places D'avenues en impasses Six mille rues et quelques En voilà une liste De misères anonymes De romans égoïstes De temps de pas perdus Que les suivants effacent Car il vient bien un jour Où faut changer d'adresse Un de ces jours où Paris Vaut plus vraiment sa messe On essaye la campagne On rejoue au loto On finit la promenade Dans la rue du repos