Il disait vous avez Sans doute mieux à faire Que de lire je le sais Mes lettres ordinaires Vous avez, il est vrai, Mieux à faire de vos nuits Que de lire sans arrêt Mon visage qui s'écrit Mais permettez, madame, Cet aveu déchirant, Je suis sous votre charme Comme un petit enfant. Il disait dites-moi Au moins tu une fois Alors je serai comme Le plus heureux des hommes. Dans cette intimité Seule connue de vous, Vos lèvres de papier Sauront me rendre fou. Si le sommeil me fuit Si j'ai peur de dormir C'est qu'au fond de mon lit C'est la mort qui soupire. Il disait: arrêtez De m'écrire chaque jour Ce que vous me donnez Pour moi est bien trop lourd. Chaque mot que je trace, Chaque mot que je lis Porte en lui la menace De rester incompris. Vos lettres me font peur. Leur bonté m'exaspère. Vos rêves de bonheur Sont des fruits trop amers. Il disait c'est ainsi Je ne sais pas y faire J'aurai vécu ma vie Comme un célibataire. Permettez-moi, madame, De me taire aujourd'hui. Je vous laisse mon âme. Et je reprends mes nuits.