Quand je me souviens de ma belle enfance Et des boniments que j'ai entendus Sur le mois de Mai et ses espérances J'étais l'oiselet piégé dans la glu J'étais une enfant, c'est incontestable Mais une enfant moche comme je ne sais quoi Par définition une enfant coupable Quêtant l'aventure le soir au coin d'un bois Au coin de ce bois pleurait la chevêche Elle en avait l'air, mais cette garce-là Au lieu de gémir se riait de ma dèche Et de mes pieds nus bleuis par le froid Une nuit j'aperçus aux branches d'un chêne Deux ou trois pendus en guise de pavois Les freux ressemblaient à des fruits d'ébène Alors j'esquissais le signe de la croix. C'était le chef d'œuvre d'un grand capitaine Qui peuplait le pays de ses souvenirs J'étais bien trop jeune pour sentir ma peine Ça ne m'empêchait pas de me rendormir Les marpauts venus d'un pauvre village Galopaient la nuit de peur des narquois Mais moi j'attendais sans doute un beau page Vêtu d'écarlate coiffé comme un roi La nature est bonne pour tou ce qui bouge Plus tard un vaurien m'a prise par la main Ceux du coin du bois l'appelaient d'Auneau le Rouge Il m'a dit: saut' gueus', le lit est dans le foin Ce fut la kermesse tendre et libertine Jusqu'au jour fatal où je le vis tout droit; Dans l'aube livide Quand la guillotine Tendait ses deux bras devant le beffroi Alors comme il faut une fin à toutes choses Aussi décrépite qu'un hibou tondu Je suis revenue prendre ma pose A l'orée du bois du bon temps perdu C'est l'heure de la fin pour les vielles drôlesses Je ne vaux pas plus qu'un fagot de bois mort C'est peut-être l'image d'une vie sans sagesse Mais pour la sagesse... c'était pas mon fort.