Le fouet cinglant du froid d'hiver qui nous mordait la joue L'absence étouffée de mon père, une rosée de chou Les draps qu'on plie avec sa mère en joignant les deux bouts La craie sur le tableau austère, les chemins de cailloux Le temps emporte tout La conscience de l'univers, l'inconscience de nous La fille qui s'était laissée faire et le goût des cachous Les lacets qui se laissent pas faire, écorchaient les genoux Les rapporteurs et les équerres, Ornicar il est où? Le temps emporte tout Toutes les envolées lyriques Des promesses inutiles Tous les mensonges authentiques Des serments immobiles Tout fout l'camp Le temps emporte tout Le temps emporte tout Quand aujourd'hui sera hier Tu ne t'en souviendras plus guère Alors la vie c'est maintenant Ici, et tant pis pour le temps Nos années de nuits somnifères, nos journées de hiboux Immobilité délétère, nos actes les plus mous Ce qui nous a rendu très fiers avant et après coup Le mercurochrome et l'éther, les promesses au mois d'août Le temps emporte tout La jeunesse qui se désaltère sans trop craindre le loup Romantisme crépusculaire que l'aube aura dissout Même notre peur de la guerre partira avec nous Comme l'échoppe d'un vieux disquaire, le manitou d'un sioux Le temps emporte tout Tous nos actes tragicomiques Nos silences imbéciles Nos révolutions esthétiques Nos opinions faciles Tout fout l'camp Le temps emporte tout Le temps emporte tout Quand aujourd'hui sera hier Tu ne t'en souviendras plus guère Alors la vie c'est maintenant Ici, et tant pis pour le temps La veine illusion des prières qu'on a rouées de coups Tout c'qu'on a fait en solitaire et qu'on garde pour nous Des jardins extraordinaires qui poussent dans la boue Tout ce qu'on aura pu en faire pour sertir un bijou Le temps emporte tout